SAR 

archipel des Hanish

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au printemps 1996, une crise diplomatique dite « de moyenne intensité » aurait pu perturber l'ordre économique mondial. Les médias de l'époque n'y prêtèrent pourtant qu'une très faible attention. 

L'Archipel des Hanish est depuis longtemps disputé entre les souverainetés Yéménites et Éthiopiennes. Les Nations-unies n'ont jamais clairement tranché sur le sujet. Lorsque l'Érythrée fait sécession de l'Éthiopie en 1991, elle prend le relais de cette dernière pour revendiquer la pleine possession de l'archipel, jusqu'à l'envahir militairement fin 1995, acte intolérable pour le Yémen qui dépose immédiatement une requête auprès des Nations-unies. Celles-ci prennent enfin la mesure du risque d'embrasement, car cet amas d'îlots caillouteux, quasi dépeuplés et dépourvus de toute ressource naturelle est en fait situé au débouché du Bab-el-Mandeb, côté Mer Rouge. Par ce détroit d'à peine 25 km de large passe la quasi-totalité des tankers alimentant l'Europe en hydrocarbures. Pas question qu'un quelconque trouble géopolitique vienne perturber ce flux continu. 

Il faut donc qu'une force militaire conséquente garantisse la neutralité de la zone et la libre circulation maritime. La France et ses forces pré-positionnées à Djibouti hérite du mandat de l'ONU et se retrouve seule en première ligne. Des renforts aériens et maritimes sont projetés sur place. C'est notamment l'occasion pour les Mirage IV d'être déployés hors métropole dans leur toute nouvelle mission de reconnaissance stratégique, en étant couverts par les Mirage F1 du 4/30 Vexin.  

Problème : Les reconnaissances aériennes se font tout temps et aucun moyen SAR n'est en mesure de récupérer un équipage qui s'éjecterait de nuit sur la zone. Les Puma du "Detalat" ne sont pas équipés pour les interventions en mer et les Alouette III de l'ETOM 088 n'ont aucune autonomie. Le COIA, ancêtre du CPCO, ordonne par conséquent à l'Armée de l'air de projeter sur place deux Puma SAR prélevés sur les parcs de Aix et Cazaux, avec des équipages aptes à les mettre en œuvre, mais aussi à former le personnel de l'ETOM, car il est clair aux yeux de tous que les deux appareils ont vocation à rester.

La formation des équipages de l'ETOM 088 à la SAMAR nuit commence en mai 1996, cependant que les reconnaissances aériennes et maritimes se multiplient au contact de l'archipel.

 Les velléités "invasives" de l'Érythrée sont stoppées, mais il faut assurer une présence durable, et c'est au profit de la Marine qu'un Puma SAR va oeuvrer pour la première fois. Le 7 septembre, l'aviso Premier Maître L'Her (F 792) est en patrouille au milieu des Hanish, lorsqu'un marin se blesse gravement à l'œil en fin de journée. Le médecin du bord fait prévenir l'État-major des FFDj qui déclenche une mission de secours.

 
 

Un équipage en entraînement est immédiatement rappelé à Djibouti, son Puma re complété en carburant. La dérogation opérationnelle à 7T4 n'existe pas encore. On se limitera à 7T2, ce qui est déjà beaucoup compte tenu de la température extérieure qui frise les 39°C à 21 heures locales... Un décollage roulé est donc entrepris, le trajet aller se passe sans histoire. La nuit est d'encre et à l'arrivée sur zone, on distingue à peine le balisage du bateau et la masse sombre des îlots qui l'entourent. Pas de JVN sur site à l'époque. Médecin et plongeurs sont descendus et conditionnent le blessé. La zone de treuillage n'est pas grande, les avisos n'ont pas de plate-forme hélicoptère, mais la mer est d'huile. C'est heureux car cette classe de bâtiments est réputée pour être très remuante à la moindre houle. L'ensemble du dispositif remonte enfin à bord et le blessé est évacué vers l'hôpital Bouffard de Djibouti. L'équipage peut aller se reposer après un cumul de près de 6 heures de vol. 

Opération banale ? Pas tout à fait, car le "Puma" 1620 (AW) aura réalisé une première pour l'armée de l'air : Une mission de sauvetage de nuit en mer hors d'Europe, presque dix ans jour pour jour après la mise en service du prototype 1678 à Cazaux. Il y en aura d'autres.

Hors d'Europe, certes ! Mais sommes-nous intervenus cette nuit là en Afrique ou en Asie ?... 

C'est précisément ce point qui divise toujours le Yémen et l'Érythrée, car l'ONU a décidé en 1998 d'un vague partage de l'archipel qui ne satisfait aucun des protagonistes. Si les esprits se sont un peu calmés, le feuilleton Hanish n'est donc visiblement pas terminé.

 

Récit de Philippe Lamoine