Porte étendard

                                                                     de

                                                                     La Fayette

 

 

 

                                                                             

(ou les tribulations d’un élève-pilote)

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes là pour parler des « voilures tournantes », mais bon, pour comprendre la suite, si nous commencions par le commencement, c’est-à-dire par le passage, semé d’embuches nombreuses et variées dans les écoles de l’Armée de l’Air.

Ayant réussi les épreuves du concours PN comme élève-pilote, je me retrouve un beau matin d’avril 1957 en civil avec ma petite valise, seul dans un grand dortoir désert de la Base de Dugny près de Paris. Je commençais à me demander si je ne m’étais pas trompé de porte, lorsqu’un peu plus tard, un deuxième civil fait son apparition et se présente : Jean Browne.

Après l’arrivée d’un troisième personnage (Cabanel), train de nuit dans la foulée direction Clermont-Ferrand, puis Aulnat et son CRPN (Centre de Rassemblement du Personnel Navigant) avec, pour commencer, instruction militaire et anglais à forte dose car notre promotion était censée être instruite sur la Base Ecole de San Antonio au Texas.

Nous apprîmes ainsi que là-bas ça ne rigolait pas, que nous devrions nous habituer à saluer les extincteurs dans les couloirs, à demander au garde-à-vous aux distributeurs de Coca-Cola de bien vouloir accepter notre pièce, de manger en silence et « au carré » (manœuvre ayant un certain rapport avec le théorème de Pythagore, la fourchette devant parcourir les deux côtés de l’angle droit et non l’hypoténuse).

Les accords avec les U.S. et le Canada étant devenus caduques (adieu fastueuse traversée sur le « Liberté », Alamo et sa légende…) notre promotion, après que nous ayons, quand même, été lâchés sur Stampe, prit donc le chemin de Marrakech et de sa fameuse Base Ecole 707, avec malheureusement pour résultat des délais d’attente inhabituels et regrettables avant de débuter l’instruction sur T6, ce qui nous fit perdre sept bons mois également répartis entre Aulnat (où pour nous occuper, on nous fit monter la garde, effectuer un « stage d’information » à Dijon au sein de l’ »Alsace » et de ses « Mystère IV ») avant de re-monter la garde à Marrakech.

Mais revenons-en au titre de ce récit. Comme chacun sait (?!) le ci-devant Marquis de La Fayette vit le jour en Auvergne en l’an de grâce 1757, et en cette année 1957, il convenait donc pour la ville de Clermont-Ferrand d’avoir à célébrer dignement ce bicentenaire et pour cette raison, de faire confectionner uniformes et étendards de l’époque à faire porter, mais par qui ?…

C’est alors qu’un esprit avisé pensa à s’adresser aux aviateurs de la Base d’Aulnat, où, comme par hasard se morfondait cette pauvre promotion d’élèves-pilotes composée de jeunes et fringants militaires qui, comme sœur Anne, ne voyaient toujours rien venir.

Aussitôt dit, aussitôt fait, on nous affubla d’uniformes du dix-huitième siècle avec perruques et tricornes (de bonne facture je dois le reconnaître) la moitié d’entre nous étrennant de chatoyants étendards du plus bel effet, me retrouvant pour ma part, vu ma taille standard, « homme de base » porteur d’un exemplaire agrémenté de magnifiques couronnes.

Ainsi déguisés, après quelques répétitions sur un espace dégagé de la Base,

nous participâmes, par une belle journée de juillet, aux festivités, avec défilé dans cette bonne ville de Clermont Ferrand, se terminant en soirée par un grand gala à l’Hôtel de Ville, avec la présence en « Guest Star » de l’Ambassadeur des Amériques que nous accueillîmes ainsi que tout le « gratin » local en formant une haie d’honneur de part et d’autre du grand escalier.

            Lanilis,     Foncelle,       Brun,               Fortin ,         Mahaut.

Ce long séjour sur la Base Ecole 745 s’acheva à Marseille un beau jour de janvier 1958

par un embarquement sur le cargo mixte « L’Azemmour » à destination de Casablanca,

à bord duquel nous pûmes apprécier à sa juste valeur le confort spartiate de l’entrepont avant et de ses lits métalliques à étage (en « tenue de sortie » agrémentée de magnifiques « sardines » rouges de caporal). Encore que, n’étant pas sujet au mal de mer, je fus sans doute moins à plaindre que certains.

A notre arrivée en train à Marrakech, et enfin sur la BE707, direction la CPD (Compagnie de Protection et de Défense), où, affublés de treillis verts, nous pûmes régulièrement et nuitamment, apprécier du haut des miradors, l’étendue du parking T6.

 J’eus même l’insigne honneur en tant que caporal, de me retrouver « Commandant de Bord » (déjà !) de « Half-track », à faire le tour de l’enceinte de la Base. Un peu d’aéronautique quand même entre les gardes, avec des « entrainements navigation », lors de vols de liaison, à une dizaine dans la carlingue de cette bonne vieille « Julie » (pour les non initiés, JUNKER 52 « Toucan », trimoteur de transport d’origine germanique).

Nous étions décidément très polyvalents...

Heureusement qu’il y avait le soleil et les palmiers

et l’espoir de jours meilleurs plus conformes à notre vocation aéronautique.

Récit et documents photographiques de Bernard Mahaut