L'aventure

 

 

 

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l'aventure...

24 et 25 avril 1961

 

Voici le récit, tel que le souvenir m’en est resté et en m’appuyant sur mon carnet de vol, des conséquences immédiates du  Putsch des Généraux sur la 23ème EH à la Réghaïa.


Nous sommes donc dans cette période un brin agitée, où le destin de l’Algérie et par extension de la Métropole semblait se jouer. Autant dire que ça brasse de l’air au 2/23. Dans l’ensemble, en tant qu’enfants de la Guerre, et de la Libération, nous sommes en majorité plutôt favorables au Général De Gaulle, ayant sûrement en mémoire, pour la plupart, Clostermann et son « Grand Charles ».

Ce 24 avril 1961, je me trouve donc à la Réghaïa entre deux détachements pour une période un peu plus longue car je suis à l’entraînement en vue de passer moniteur.

Les avis sont pour le moins partagés quand à la réussite du putsch. Pour ma part, comme beaucoup, je n’y crois pas vraiment, car après des centaines d’heures de survol de ce pays, d’est en ouest et du nord au sud aux confins du Sahara, je ne conserve dans ma mémoire que des clichés de Djebels tourmentés, de vastes et épaisses forêts, de zones désertiques et chaotiques, avec, aux frontières, des pays plutôt hostiles. Ces pensées hautement philosophiques résumées dans cette maxime populaire : « On n’est pas sortis de l’auberge ! ».

 

Étant très près d’Alger, foyer de la rébellion, notre situation est pour le moins incertaine. Aussi, en coulisse, commencent à s’ourdir des scénarios plus ou moins fantaisistes, afin de s’éloigner au plus vite de la zone supposée dangereuse...

Mais une solution faisant l’unanimité prend rapidement corps : il s’agit tout simplement de rallier, dès que possible les … BALEARES... Eh oui, rien que ça, en H-34.

Et chacun de se préparer avec des airs de conspirateurs au "Grand saut" cap au nord. Et, effectivement, dans la soirée, les pleins complets de tous les H-34 disponibles sur le site sont effectués comme si de rien n’était, les équipages composés, avec en plus des mécanos sol volontaires pour cette grande aventure. Et chacun de préparer qui, sa cantine, qui, sa valise, ne laissant dans sa chambre sur la Base que le superflu, se préparant ainsi à un voyage à la durée et à l’issue incertaines.

Le décollage est fixé au lendemain 25 avril à l’aube, afin de bénéficier de l’effet de surprise. C’est ainsi qu’une bonne douzaine de H-34 plus ou moins chargés sont prêts à tenter la grande évasion. Pour plus de confidentialité, et pour être au plus près des appareils, il est décidé de ne pas remonter dans les chambres, là-haut sur le plateau, après le repas du soir.

Et chacun de sortir son lit pliant et son duvet, utilisés pour les détachements sous la tente, et de s’installer vaille que vaille pour la nuit dans le bâtiment du 2/23 transformé en dortoir avec des lits dans la salle de repos, dans les couloirs, etc. Je ne me souviens pas si nous avons beaucoup dormi cette nuit-là.

Le chef du dispositif était le Cdt Fauroux, ancien du Normandie-Niemen. Aux premières lueurs du jour, chacun était fin prêt pour le grand départ quand, à notre grand regret, l’opération a été annulée au dernier moment par le Cdt. On peut le comprendre, la responsabilité était énorme : le nombre de participants, le survol maritime, le pays étranger de destination, etc. Et finalement, le putsch agonisant, il était préférable de se trouver à Télergma plutôt qu’aux Baléares.

On dût se contenter, accompagnés de quelques Alouettes II, du départ sur Batna dans la journée. Comme les H34 étaient parés depuis la veille au soir, il n’y eut plus qu’à appuyer sur les démarreurs. Arrivés à destination, nous repartîmes presqu’aussitôt pour Télergma, Batna ne pouvant recevoir tout ce monde, et le lendemain 26 avril, nous regagnâmes la Réghaïa après un périple peu glorieux d’à peine quarante-huit heures, aux commandes, pour ma part, des H-34 n° 104 puis 112.

Enfin, ne faisons pas la fine bouche, quatre heures trente de vol tranquilles (mis à part peut-être une paire de T-28 venus nous renifler avec circonspection à notre approche du terrain de Batna) c’est toujours ça de pris. Il va sans dire que pendant toute cette affaire, nous n’avons eu affaire, ni de près ni de loin, au moindre élément putschiste...

Je terminais mon entraînement moniteur, avant de repartir début mai pour le détachement de Djidjelli où je pus mettre en pratique mes nouvelles fonctions. Mais j’avais quand même, en mon for intérieur, un certain regret de cette aventure manquée. Pour le « fun », comme on dit de nos jours, une douzaine de H-34 aux premiers rayons du soleil, au dessus de la Grande Bleue cap au nord, ça aurait eu de la gueule non ?

Récit et documents photographiques Bernard Mahaut A.H.A.