S.A.R.  en pays 

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UNE MISSION SAR, CA PEUT AUSSI ÊTRE "MARRANT"... 

Si les récits de cette rubrique sont souvent poignants, parfois dramatiques, en voici un qui a plutôt déclenché l'hilarité de ceux qui l'ont vécu. Et pourtant, au départ, cela n'était pas franchement parti pour.

Cazaux, vendredi 22 décembre 1988. Dans quelques minutes, les vacances de fin d'année. Il ne s'est rien passé de notable pendant la semaine, l'alerte champs de tir est levée depuis longtemps et la SAR va passer à 2 heures pour le week-end. Le soleil est déjà bas en ce solstice d'hiver et tout le monde s'apprête à rentrer chez soi ; déjà les mécanos s'approchent du Puma d'alerte, prêts à le tracter vers son hangar, lorsque le klaxon de la DV retentit...

Les infos du CCS de Marsan sont sporadiques : Un pilote de l'aéroclub de Royan s'est égaré quelque part au-dessus des Charentes, entre la RN10 et l'Océan, il est à court de carburant, la visibilité est médiocre et le soleil rasant ne lui offre aucun repère sol. Heureusement, il a eu la présence d'esprit, certes un peu tardive, d'appeler au secours sur la fréquence de détresse et les Saint-Bernard de l'armée de l'air l'ont pris en compte. Les instructions sont de gagner la zone au plus vite et de se tenir prêts...       « au cas où... »

 

M.. ! Les dernières emplettes de Noël ne seront pas achetées ce soir... L'équipage d'alerte (Jean-Luc Delon cdt de bord, Philippe Lamoine pilote) décolle avec le PUMA n°1678 et met le cap au nord-est, radios et "homers"* réglés à fond. Cognac a maintenu en l'air tous ses Epsilon alors en mission et a assigné à chacun un secteur de repérage, mais il faut faire très vite car en cette froide soirée d'hiver, la brume augmente à mesure que la luminosité baisse et un avion fou au milieu de la zone peut en percuter un autre à tout moment. 

Tout en se rapprochant, l'équipage SAR suit en direct les événements. Cognac réussit par moments à « gonioter » l'appareil en détresse mais il faudrait un deuxième prélèvement pour recouper la position ; trop tard ! Le pilote annonce que ses réservoirs sont à sec et qu'il va tenter un atterrissage droit devant lui. Quelques minutes plus tard, Cognac annonce avoir perdu tout contact avec l'appareil. La gorge serrée, nous savons qu'il est désormais au sol, mais où et dans quel état ? Comble de l'angoisse, nos "homers" ne captent strictement rien alors que nous arrivons quasiment sur zone.**

La mort dans l'âme, le DV de Cognac rappelle ses Epsilon, dont les pilotes, bientôt eux aussi à court d'autonomie, ne distinguent plus grand chose et ne sont pas équipés de "homers". Un conciliabule démarre à bord du Puma pour savoir quelle méthode de recherche adopter. Et soudain un cri à la radio « Je pense que je vois un avion dans un champ ; il a l'air retourné et il me semble apercevoir une forme humaine à côté ». Le pilote de l'Epsilon donne son relèvement par rapport à Cognac, et par chance nous ne sommes qu'à quelques minutes de la position. Sur la commune de Saint-Aulais-la-Chapelle à la verticale du site et aux dernières lueurs du jour, nous distinguons un DR 400 cul par dessus tête au milieu d'un champ et nous parvenons à nous poser au plus près. Le mécano de soute annonce qu'il a effectivement vu une forme humaine près de l'appareil, et cette forme lui a semblé être DEBOUT, ce qui est pour le moins rassurant.

Nous décidons de rester rotor tournant et nous envoyons les plongeurs et le médecin en reconnaissance. Ils reviennent quelques minutes plus tard HILARES. Le pilote en question est en réalité un petit bout de femme d'une soixantaine d'années, qui n'a pas une égratignure et qui ne cesse de s'excuser d'avoir dérangé  « tous ces militaires pour rien » ; elle est bien entendu en état de choc. Après compte rendu au CCS, nous re décollons vers Cognac alors que la nuit est cette fois bien tombée et nous confions notre championne de l'air aux bons soins de la Base aérienne. 

L'enquête montrera que malgré un soleil rasant de face, une visibilité très faible et un moteur qui faute de carburant cala à l'arrondi, la petite dame aura effectué un atterrissage forcé quasi parfait, mais qu'un sillon transversal du champ cassa son train principal et lui fit faire un cheval de bois. Elle dut à sa petite corpulence de n'avoir pas été écrasée par la cellule et à son réservoir vide de n'avoir pas pris feu.

L'histoire ne dit pas si l'avion et sa pilote ont revolé un jour, ensemble ou séparément. 

Les dernières missions SAR avaient été psychologiquement éprouvantes pour les équipages de l'EH et celle-ci représentait un intermède opportun et tout à fait délicieux qui alimenta un certain temps toutes les conversations du bar.

 * homer : transpondeur de localisation

 ** On ne recevait rien car avec l'avion retourné, la balise émettait vers le sol...

 

Récit de Philippe Lamoine