Madame le Maire, Mon général, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs,

Mon cher Théo,

Tu es né le 3 octobre 1936, à Falaise dans le Calvados, de parents bretons, au hasard d'une affectation de ton papa garde mobile.

Suivant l'exemple paternel, tu as la volonté de servir ton pays.   Le 28 avril 1953 tu intègres la 13ème promotion des apprentis mécaniciens de l'Armée de l'Air à la Base École de Saintes.  C'est dans ce creuset que se sont développées tes qualités humaines d'entraide et de camaraderie qui caractérisent les "arpètes".

Après deux années de scolarité, tu es breveté mécanicien avion et affecté le 15 septembre 1955 à l'escadrille d'hélicoptères Moyens 2/57 du G M H 057 à Boufarik.  Mécanicien en équipage sur hélicoptère S55, tu effectues de nombreuses missions.  Tu es un battant et tu envisages même, un moment, d'intégrer les commandos de l'Air.

Un an plus tard, tu reviens en métropole pour suivre un stage sur "Alouette II" : tout nouvel hélicoptère français, premier appareil à être équipé d'un turbomoteur.  A partir du 1er décembre, tu participes à la formation de l'Escadrille d'Hélicoptères Légers 5/57 sur la base de Pau Pont long.

C'est à Boufarik, à partir du 27 février 1957, puis à La Réghaïa que, mécanicien en équipage, tu participes activement à l'activité opérationnelle.   Tu restes un sportif assidu, le soir après le travail, tu t'exerces au saut à la perche et tu participes à une sélection pour le championnat de la V ème Région Aérienne.  En octobre dernier, 50 ans après, ton camarade de promotion MAZE - un des nombreux arpètes qui ont mal tourné : Il est devenu pilote et a terminé Colonel - t'a amicalement reproché de l'avoir toujours battu au cross.

Tu effectues au total 805h20 de vol dont 681 heures 35 en 589 missions opérationnelles. Cela te vaut d'être décoré de la Valeur Militaire avec trois citations : à l'ordre de la Brigade Aérienne, de la Division Aérienne et du Corps Aérien.   Pour tes 121 évacuations sanitaires et 140 blessés, tu reçois la médaille d'Honneur du Service de Santé.  Cette décoration est celle dont nous pouvons être le plus fier, car elle témoigne et justifie notre action en Algérie.   Je voudrais ici expliquer ce que recouvre le mot "EVASAN", les difficultés et les dangers rencontrés dans cet exercice souvent plein de surprises et parfois périlleux.   Les blessés étaient près de la zone de combat.   Les trajectoires d'approche étaient parfois "acrobatiques", car c'était assez souvent "mal pavé", et il n'était pas rare que les fellaghas nous tirent dessus.   En complet accord avec nos pilotes, nous nous faisions une obligation d'évacuer les blessés quelles que soient les difficultés.   Rappelle-toi les consignes : "Mettez vos gilets pare-balles, çà tire!"  C'est dans ce creuset que s'est forgé l'amitié liant mécaniciens et pilotes.   Elle se perpétue maintenant dans l'association des anciens des hélicoptères Air (AHA).   Dans son "Historique des Hélicoptères en Algérie - Tome 3 du 1 août 1955 au 30 novembre 1959", le Général Yves SAGOT cite : le 8 décembre 1958, dans le secteur d'Aumale, avec l'Alouette N°82, pilotée par Barrel, vous évacuez 7 blessés en 3 rotations pour 1h05 de vol.   Avec Ribillard tu choisis de rester sur la DZ pour permettre l'évacuation de tous les légionnaires dangereusement blessés.

Tu me permettras d'évoquer ici le souvenir de deux de nos camarades proches qui ont disparus :

- Robert SCHARF tué le 21 février 1958 au cours de la deuxième rotation d'une évacuation sanitaire, les troupes amies ayant été obligées de décrocher.   Le pilote, bien que blessé, a réussi à se faufiler à travers la végétation et à retrouver les fantassins ;

- Henri CATRIN mort le 29 août 1960 en service aérien commandé sur H34 ;

Le premier moment de peine et de désarroi passé, le cœur gros, chacun reprenait le collier, en pleine jeunesse, on se croit invulnérable.

Au début de l'été 1961, après plus de cinq années de présence en Algérie, tu reviens en métropole.    Le 27 juillet, tu te maries avec Germaine.  Vous aurez trois enfants.

Tu es affecté à la Direction Centrale du Matériel de l'Armée de l'Air au sein de l'État Major à Paris.   C'est un nouveau challenge, tu es responsable de la logistique du biréacteur de chasse tous temps "Vautour".

Le décret du 8 août 1962 te décerne la Médaille Militaire, tu n'as pas encore 26 ans et tu as déjà derrière toi une carrière.  Belle récompense pour un militaire pour qui "servir" était la règle.  Tu découvres aussi les regards envieux de certains, restés "bien au chaud" à Paris.

Désirant te rapprocher de ta chère Bretagne, tu quittes l'Armée de l'Air en septembre 1968 et tu rentres comme Ouvrier d'État à l'arsenal de Guengat où tu travailles jusqu'à ta retraite en 1996.  Tu construis ta maison ici à Pluguffan, pays de ta maman.  C'est un retour aux sources.

A la retraite, tu ne reste pas sans rien faire.   Tes amis ici présents, connaissent tes activités.

Pendant une année, nous avons partagé la même chambre à Boufarik.  C'est là que nos liens d'amitié se sont tissés, bien que nous n'ayons pas été très souvent ensemble du fait de nos détachements respectifs.   Je te remercie de toujours m'appeler de ce diminutif affectueux "Zouch" qui vient de ce temps là.

Tu te souviens de l'opération "Bellounis" pendant laquelle nous nous sommes retrouvés entre Bou-Saada et Djelfa.   J'ai amené des photos qui, à plus de 45 ans de distance, montrent une partie de notre vie opérationnelle.

L'amitié profonde qui nous lie, scellée par les dangers partagés, fait qu'aujourd'hui tu as pensé à moi pour te remettre cette "belle rouge".  Je veux te dire ma joie et ma fierté, car c'est pour moi un grand honneur de te remettre aujourd'hui la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur.   Nous en connaissons tous les deux le prix.

Pour terminer, je citerai le Grand Maître actuel de la Légion d'Honneur le Président Jacques Chirac parlant de cette décoration :

"Une croix blanche, suspendue à un ruban rouge, qui rassemble toutes celles et tous ceux dont les services éminents font la fierté de la France.

Une croix banche et un ruban rouge qui désignent l'excellence au service du pays.

Une petite croix au ruban rouge dont la résonance est universelle, car elle distingue une élite de femmes et d'hommes qui, par leur courage, leur intelligence, leur dévouement et leur générosité, bâtissent, jour après jour et chacun dans leur domaine, l'avenir de la France."

Voilà ce que représente la Légion d'Honneur.

17/08/2004