Incident

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes en janvier 1961.

 Le DIH d'Oran était en opération dans l'Algérois, précisément à Orléansville. J'étais affecté, au départ d'Oran, sur le H34 N° 62 (on gardait le même hélico durant tout le détachement)

Avec cet hélico, depuis le 11 jusqu'au 27 du mois de janvier, avec le s/c David comme 1er pilote, on avait déjà effectué une trentaine d'heures de vol d'assaut commandos et héliportages divers.

Ce matin de 28 janvier 1961, on était enfin en repos, pas d'opération programmée ce jour là, je me suis dit, «ce matin je vais en profiter pour faire ma "10 heures"»

. Comme chacun sait, toutes les dix heures de vol, sur H34, il fallait graisser les dizaines de points d'articulation sur la tête de rotor principal et sur les biellettes de commande des pales du rotor de queue. Donc me voilà parti, gai comme un pinson, avec ma caisse à clous, ma pompe à graisse et mes chiffons, pour faire le boulot.

Les hélicos étaient sur le parking, fait de tôles ajourées, posées à même le sol. Le parking était assez proche des baraquements de « Fillod » où nous logions; super d'être sur une base, en dur !

Après avoir fait le tour et petite vérification générale de l'hélico, Je me suis dit, je vais commencer par le rotor de queue et je ferai le rotor principal après. Je vais donc à l'arrière et coté droit pour accéder au levier de déverrouillage du pylône. A titre de rappel: on repliait le pylône de queue contre le fuselage et ainsi, en montant sur la dorsale arrière du cône de queue, on était au niveau des graisseurs du rotor.

OK, tout était paré, je déverrouille mon pylône ( le petit drapeau témoin de verrouillage en tôle peinte en rouge bascule ) et je pousse sur celui-ci pour le faire pivoter comme prévu, sur le côté gauche;
 

Et là ! sous la poussée, je vois mon pylône qui pivote un peu et qui bascule en s'écroulant d'un seul bloc sur le parking, dans un grand bruit de ferraille, inoubliable !

Stupeur...surprise...et ma première idée, je me souviens et de me dire « j'ai poussé trop fort !

et dans la foulée de penser « Merde, j'ai loupé un truc ! »
 

C'est curieux, dans des moments pareils, les pensées spontanées et surtout farfelues qui peuvent vous traverser l'esprit!!


Et enfin je me souvient être resté figé un moment, dubitatif, les yeux rivés sur ce pylône par terre.

Finalement en regardant du côté des baraquements, je vois l'adj Lognoné, notre chef de piste, qui était là et qui de loin avait vu la scène; je le voyais, lever les bras au ciel, et il semblait me crier quelque chose que je ne comprenais pas. A ce moment là, j'étais sur qu'il pensait, sans me tromper beaucoup :
« Qu'est-ce qu'il a fait comme connerie!.»

En réalité, les pattes de fixation côté droit, avaient cédé.
 

Bien sur par la suite tout le détachement est venu voir la queue de mon hélico par terre, il faut dire que ce n'est pas courant !; Ensuite la routine: enquête, expertise, rapports ... ; Puis, on a vérifié toutes les pattes charnières et verrous des pylônes au révélateur de criques sur les autres hélicos, tous étaient OK .


Hé bien, rétrospectivement, je me suis dit à ce moment là, qu'on avait eu du pot que ça ne pète pas en vol !

Photographies collection Roger Barbaroux