ÉVACUATION SANITAIRE DE NUIT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les évacuations sanitaires de nuit n’étaient pas une mince affaire et ce n’est jamais sans une certaine appréhension que si inconfortable qu’elle était nous quittions la chambre de la baraque Fillod à l’appel du planton pour assurer notre mission. Surtout que si les délais de déclenchement n’avaient pas été si longs, beaucoup de ces évacuations auraient pu être effectuées de jour.

Cette appréhension disparaissait dès le décollage car il y avait fort à faire. Le seul moyen de radionavigation du H-19 était un radiocompas mais comme nous volions bas, et qu’il y avait peu de balises au sol, il ne nous était pas d’un grand secours. La procédure était donc le vol à vue, une navigation vers la bourgade éclairée la plus proche du point à atteindre et à partir de là, au cap et à la montre vers le poste ou le PC de l’opération. Le point de poser, la DZ était balisée par la lueur de phares de jeep ou des moyens de fortune constitués de boîtes emplies d’un mélange de sable et d’essence. Le puissant phare du H-19 nous était aussi d’un grand secours. Il était aussi très important de bien authentifier la destination pour ne pas être attiré dans un guet-apens.

Ce soir là, l’évacuation sanitaire à effectuer était pour un poste au sud de Ténès, à la limite de l’Algérois et de l’Oranais. Ténès est près de la côte donc une navigation simple. Nous trouvons facilement le poste, poser, embarquement du blessé, décollage, donc mission facile.

En fait, rien n’était facile sur hélicoptère à cette époque. A l’aller rien ne l’avait laissé prévoir mais peu après le décollage nous sommes retrouvés dans les nuages. Le relief sur la côte algérienne ne permettait pas de redescendre pour passer sous la couche, il était même  nécessaire de continuer jusqu’à l’altitude de sécurité et de prendre le cap à l’est.

Le vol aux instruments sur hélicoptère est beaucoup plus délicat que sur avion. L’avion est stable par nature, l’hélicoptère ne l’est pas. La cabine qui sert de référence aux instruments gyroscopiques, se balance sous ce qui sert d’aile, le rotor. Ce qui nécessite des actions très mesurées des commandes de vol. Une correction d’une épaisseur de maquette* ou même d’une demi maquette sur l’horizon artificiel permet un contrôle précis en avion. En hélicoptère les corrections peuvent nécessiter des variations de trois ou quatre épaisseurs de maquette. Le vol aux instruments particulièrement sur ces hélicoptères d’ancienne génération était extrêmement fatigant, de plus seule la planche de bord droite, celle du premier pilote était équipée d’instruments de vol sans visibilité donc impossible de se relayer pour le pilotage à cause du parallaxe. Heureusement nous avions eu en école une excellente formation et ce genre d’aventures s’est toujours bien passé.


Après un temps de vol qui m’avait semblé très long, nous sortons des nuages et j’aperçois sur la droite une bande de lumières, je dis donc à mon collègue « voici les villes et villages au bord de l’Atlas, dont Blida ». Puis droit devant j’aperçois les faisceaux d’un phare et je comprends de suite que les lumières sur la droite étaient en fait celles de la côte, Tipasa et autres. Nous avions dérivé vers le nord et nous étions en pleine mer. Altération de cap immédiate pour retrouver le survol de la terre en adressant un merci à Messieurs Pratt et Withney pour nous avoir fait des moteurs aussi robustes. Une panne moteur et nous disparaissions à tout jamais.

Le reste, atterrissage à Marcel Cerdan la DZ de l’Hôpital Maillot d’Alger et le retour à Boufarik n’étaient que de la routine.

 

Pour les néophytes...: (*) maquette, vous avez dit maquette?...
La barre d'horizon est stabilisée par un gyroscope et reste parallèle à l'horizon réel; la maquette plus ou moins stylisée représente l'aéronef et la position de cette maquette en inclinaison et en assiette par rapport à la barre d'horizon représente l'attitude réelle de l'aéronef.

 

Relation Norbert Huby A.HA.