Le 5 décembre 1959 à Colomb-Béchar, Félix BRUNET, l'homme qui vient de rendre son âme à Dieu, à 46 ans, est :

Ø     Mort pour la France ;

Ø     Colonel de l'Armée de l'Air ;

Ø     Caporal d'Honneur de la Légion étrangère ;

Ø     Caporal d'Honneur de la Brigade des Parachutistes Coloniaux ;

Ø     Grand Officier de la Légion d'Honneur ;

Ø     24 citations dont 20 avec palme ;

Ø     3 blessures de guerre ;

Ø     2 victoires aériennes homologuées;

Ø     6659 heures de vol dont 4239 heures de vol de guerre en 2000 missions sur avion de combat et 957 sur hélicoptères ;

Ø     5 tours d'opérations consécutifs pendant la deuxième guerre mondiale ;

Ø     9 années en trois séjours en Indochine de 1945 à 1954 ;

Ø     En Algérie, unique commandant de l'Escadre d'Hélicoptères N° 2 à Oran la Sénia à laquelle il donnera cet insigne sur lequel est gravée la devise "COMBATTRE et SAUVER" qui va devenir celle de la Force Aérienne de Projection ; le COTAM pour les anciens

Ø     Une participation quasi continue pendant 20 ans aux conflits dans lesquels la France est engagée ;

Il deviendra le parrain de la promotion 1959 de l'École Militaire de l'Air.  Son nom sera donné à la Base Aérienne 217 de Brétigny sur Orge le 5 février 1980.

Voici dans la sécheresse des chiffres le résumé de l'exceptionnelle carrière de celui que ceux qui ont travaillé sous ses ordres ou dans son environnement appelaient familièrement "Félix" avec admiration et une affection mêlée de l'appréhension d'une de ses colères homériques.

En Algérie, l'annonce de sa disparition a surpris tous ceux qui le connaissaient.  Personne ne pensait que cet homme pouvait mourir dans un lit, lui qui avait si souvent braver la mort à la tête de ses équipages.

Félix BRUNET est né à Loos lès Lille le 1 janvier 1913.  Son père meurt de ses infirmités de guerre.  Le 4 mars 1932 il s'engage à la 13° Compagnie d'Ouvriers Aéronautiques de Bordeaux.  En mai 1933, il est breveté supérieur.  Affecté au 3° Régiment d'aviation, il est nommé sergent en septembre.  Il est noté sérieux, compétent, travailleur avec un caractère parfois difficile.

Il intègre l'École de l'Air le 13 septembre 1937 comme élève officier du Personnel navigant.  Il obtient le brevet de pilote N° 26516.  Ses camarades se souviennent d'un passionné de vol.  Il le restera toute sa vie.

Pendant "la drôle de guerre" il est d'abord pilote observateur et effectue des lâchers de tracts, des missions photographiques et des reconnaissances profondes en territoire ennemi.  En février 1940, il est détaché au centre d'essais d'Orléans.  En juin, il rejoint le Groupe Aérien d'Instruction de Chasse à Oran, puis l'escadrille de chasse 1/6 à Thiès en octobre.  Il est affecté au Groupe 2/5 "La Fayette" en novembre 1942.

Au cours des opérations de Tunisie en janvier 1943, il obtient sa première citation.  En juin, avec le Groupe 1/3 "Corse", il participe à la reconquête de l'Île de Beauté.  En octobre, il remporte sa première victoire aérienne en abattant un "Arado" et le lendemain un Messerschmitt 323.  Nommé capitaine en juin 1944, c'est la campagne de France où il est blessé en novembre.  Il reçoit 3 citations qui soulignent son courage, et ses qualités d'entraîneur d'hommes.  Celle du 26 avril 1944 s'accompagne de la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur.

À sa demande, il part pour l'Indochine avec la 1ère Escadre de Chasse.  Il participe sur "Spitfire" à toutes les opérations au Laos, au Cambodge et au Sud Annam.  Il met au point un système pour réaliser des reconnaissances photographiques et un viseur pour bombarder.  Il reçoit 2 citations et il est promu Officier de la Légion d'Honneur en novembre 1946.  Il demande à rester en Indochine malgré 2 accidents graves consécutifs à des pannes.  Il prend le commandement du Groupe 1/4 "Dauphiné" en octobre 1947 et il se fait connaître des chefs de l'Armée de Terre, en particulier à Nhatrang.  Le 1 juillet 1948, il est nommé Commandant.  Il est promu Commandeur de la Légion d'Honneur en octobre.

Rentré en France en janvier, il est de retour à Saigon en juillet 1949 et commande le Groupement Aérien Tactique Sud couvrant le Cochinchine, Cambodge et Sud Annam.  Il met au point les Postes de Commandements Volants qui coordonnent les actions des composantes Terrestres, navales et Aériennes.

Le 1 octobre 1951, il est nommé Lieutenant-colonel.  En février 1952, après quelques mois en France, il revient pour un troisième séjour.  Il prend le commandement de la base la plus importante d'Indochine à Catbi près d'Haiphong.  Infatigable, il apporte le meilleur soutien aux opérations à Nghialo et Nasan et pour sauver Luang Prabang et Vientiane.  L'attaque de la base par des commandos volontaires de la mort est repoussée avec l'aide d'une unité parachutiste en attente sur la base sous les ordres d'une certain Marcel BIGEARD.  C'est de là que débutera leur amitié.

1954, année tragique, c'est Dien Bien Phû, il se dépense sans compter.  Ulcéré par la défaite et à son grand regret, il quitte l'Indochine.

Août 1954, il prend le commandement de la base de Sidi Ahmed à Bizerte qu'il quitte Colonel en 1956.  Il est élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur.

Il se fait transformer sur hélicoptères par son ami Alexis SANTINI qu'il a connu à Saigon en 1950, époque à laquelle, il a volé sur ces "drôles de machines".et, depuis, a beaucoup réfléchi à leur emploi.  On lui confie alors le commandement de l'Escadre d'Hélicoptère N° 2 le 1 novembre 1956. 

Le 20 novembre 56, en attente d'un blessé, le lieutenant Breuil son co-pilote resté aux commandes du H19 est grièvement blessé par un tir rebelle et le 26 le lieutenant Blondeau est tué dans les mêmes conditions.  Le problème de sécurité est donc aigu.  Des instructions, avec croquis à l'appui pour tuer le pilote sont trouvées sur les rebelles. 

Fort de son expérience indochinoise, secondé par le capitaine Émile MARTIN, officier mécanicien de l'Escadre, aidé par l'arsenal de la marine de Mers el Kébir, après bien des tâtonnements et de nombreux essais, il INVENTE et met au point l'hélicoptère armé qui est baptisé de son indicatif radio "Mammouth".  Le commandant de l'Escadre d'Hélicoptères N° 3 de Boufarik est tué le 3 septembre 1957.  Cela donne du poids à sa proposition.  "Mammouth" essaimera de l'EH2 à L'EH3 sous le nom de 'Pirate" ainsi que dans l'aéronavale et dans l'ALAT.

Il élabore, en outre, une doctrine d'emploi de l'hélicoptère dans les opérations militaires.  Celle-ci sera reprise dans toutes les armées.

Bourreau de travail, infatigable, il mène et fait mener à ses hommes une activité intense.  Toujours en tête, il galvanise ses subordonnés.  La plus connue, Timimoun, où il retrouve son ami Bigeard. 

En juillet 1958, il quitte à regret l'EH2.  Il devient auditeur de l'Institut des Hautes Études de la Défense Nationale où, à l'étonnement de certains, il réussit très bien.

A la sortie de l'IHEDN, il accepte la responsabilité du Poste de Commandement Avancé Directeur de Colomb-Béchar où il restera jusqu'à sa disparition.

Derrière le "baroudeur", le guerrier d'exception, comment était l'HOMME ?

C'est avant tout un patriote convaincu, qui aime son pays.

Félix est un vrai chef, il ne laisse personne indifférent, il est aimé ou haï.  Il recherche constamment L'EFFICACITÉ MAXIMALE.

C'est un homme au grand cœur, bourru avec la violence des timides, exigeant envers ses subordonnés et encore plus pour lui-même, travailleur infatigable, Courageux et enthousiaste.  Il commande par l'exemple.  Aux yeux de ses subordonnés, il a une qualité éminente : il paie de sa personne et se réserve souvent les missions les plus difficiles et il manifeste un dévouement total vis-à-vis des combattants en difficulté.

En opération, il est d'une prudence extrême pour ne pas exposer inutilement ses équipages.  Soucieux de leur sécurité, il est attentif aux moindres détails;  Il se préoccupe toujours de savoir si le pilote le moins expérimenté de sa formation pourra effectuer la manœuvre qu'il va demander.

Il est aussi Industrieux et pratique de par sa formation initiale de mécanicien et il saura admirablement tirer parti du matériel et donnera toute sa mesure dans la réalisation de l'hélicoptère armé.

Félix a su donner une âme à son Escadre.  Pour preuve, les fondateurs de l'Association Hélicoptères Air (AHA) sont des anciens de l'EH2 ayant travaillé sous ses ordres.

Mon colonel, vous avez magnifiquement illustré la devise que vous avez fait inscrire sur l'insigne de l'EH2 " COMBATTRE ET SAUVER".  Nous vous saluons !